Katrin Ströbel


Katrin Ströbel

Interview de Katrin STRÖBEL à l’occasion de la sortie de l'ouvrage Making love to unknown cities aux éditions Distanz. Il a bénéficié de l’aide à la création et à l’édition du Département des Bouches-du-Rhône 2019.

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Bibliothèque départementale des Bouches-du-Rhône (BD13) : Katrin Ströbel, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Katrin Ströbel (KS) Je suis artiste plasticienne, je vis entre Marseille, Stuttgart et Rabat. Et je suis mère.

Je me suis calmée un peu récemment, suite à ma situation personnelle, aussi suite à la pandémie bien sur, mais à la base je suis une artiste assez nomade. Depuis presque 20 ans, j'ai travaillé régulièrement au Maroc, au Nigeria, au Sénégal, en Afrique du Sud, au Pérou, en Australie et aux États-Unis...
J'ai fait des études d’arts plastiques et de littérature en Allemagne. Je suis également docteure en histoire de l’art. J'ai enseigné dans des écoles en Allemagne, en France et ailleurs, mais depuis 2013 je suis professeure à la Villa Arson, École nationale supérieure d’art de Nice.

 

BD13 Comment votre passion artistique est-elle née ?
KS : 
Je ne sais pas si c'est une passion artistique, pour moi c'est plustôt une façon d'être, une façon de se situer dans ce monde et voir les choses qui nous entourent. Je ne me souviens pas des moments clefs. J'ai toujours adoré dessiner depuis que j'étais petite, mais c'est un constat assez banal... Je pense que ça s'est construit dans le temps, petit à petit.


BD13 Quelles sont vos inspirations, références ?
KS : 
Le(s) monde(s) autour de moi. 

BD13 :  Comment définiriez-vous votre art, Votre style ?
KS : 
D'une certaine manière, mon "style" est de ne pas vouloir en avoir un. Dessin, vidéo, installation, il y a plein des medium et aussi de grandes variantions de "style"... si par exemple on regarde juste mon travail de dessin qui est la base de mon travail artistique on peut constater que je l’exploite dans toutes ses possibilités formelles. Mes dessins peuvent être très, très différents. Le langage formel du dessin, mais aussi généralement de mon travail, résulte de la conception et du contenu du travail. Cet éventail formel de possibilités est très important pour moi.  Cela a l’air banal, mais dans un marché de l’art agité, qui mise sur la reconnaissance des objets, cela peut être hautement problématique. 

Il y a des années, j’ai parlé de cela avec la dessinatrice berlinoise Nanne Meyer. Elle m’a dit à l’époque en riant : « Ah, je connais ça ! On me demande souvent lors d’expositions quels sont les autres artistes impliqué∙es – parce que les gens ne peuvent pas se figurer que tous ces différents dessins sont de la même main. » En tant que jeune artiste, j’ai trouvé ça à l’époque très libérateur.

 

BD13 :  Si vous étiez une œuvre d'art, vous seriez ?
KS : 
Aucune idée. Probablement je choisirais d'être un objet ancien, pas trop lourd, facile à deplacer, un objet qui a vu et vécu beaucoup des choses.

 

BD13 :  Si vous étiez un lieu, vous seriez ?
KS : 
Ah, je ne veux pas être un lieu précis, au contraire! J'aimerais toujours être à plusieurs endroits en même temps. Il me faut un tapis volant. 


BD13 :  Si vous étiez un livre, vous seriez ?
KS : 
Impossible de répondre, il en a trop. Mais être un livre, c'est une belle idée. Le rapport tactile, presque sensuel, l'odeur et la surface du papier, les recontres avec plein de lecteurs et lectrices different.e.s. ... ça me plait beaucoup. Être une petite fenêtre vers le monde ou vers des mondes, c'est magnifique.

 

BD13 :  Qu’est-ce qui a motivé la réalisation de cet ouvrage ? Pourquoi avoir choisi ce thème ?
KS : 
Je vis depuis un bon moment entre l'Allemagne, la France et le Maroc, mais depuis que ma fille est née en 2016, nous avons passé de plus en plus de temps à Marseille. J'avais plusieurs publications bilingues (allemand/anglais) ou simplement en anglais, mais malheureusement les livre anglais restent très difficiles à diffuser en France. Je travaille en France depuis longtemps, mais j'expose rarement ici, beaucoup plus à l'etranger. Je sentais la necessité d'avoir une publication en français afin d'avoir enfin un peu plus de visibilité et de reconaissance en France. L'ouvrage montre les expositions monographiques des derniers deux, trois ans et donne une première idée de ma démarche artistique. Les images sont accompagnées par des textes de quatres autrices/curatrices/historiennes de l'art, dont Julie Crenn et Sophie Orlando, toutes deux basées en France.
 

BD13 :  Choisissez une page de votre ouvrage et commentez-là
KS : 
La page 28/29 car la pièce "Dadamaino's secret garden" de mon exposition à l'espace de l'art concret à Mouans-Sartoux en 2010 est assez représentative de mon travail et de ma démarche.     

Page choisie  Katrin STROBEL pages 28 et 29.jpg


BD13 :  Quel message, émotion souhaitez-vous transmettre au travers de vos œuvres ?
KS : 
Je ne peux pas (et je ne veux pas) controler les émotions ou le message que mon travail évoque, bien sur j'ai une idée et une volonté, mais il y quand même plusieurs parties impliquées dans un processus de perception, non ? Bien sur il y a moi et la pièce, mais aussi la personne qui la regarde avec toutes ses expériences, son vécu, ses connaissances, ses questionnements.

Alors pour échapper à cette question je cite le catalogue : "Ses dessins, oeuvres in situ et installations sont basés sur un questionnement critique des conditions sociales et géopolitiques qui définissent notre quotidien. Le travail de Ströbel porte sur les codes culturels et les langages (visuels), mais aussi sur des sujets tels que le colonialisme, la migration et le déplacement forcé et montre à quel point les politiques du genre et de l’espace sont liées. Avec une perspective critique et ironique, l’artiste déconstruit les relations de genre et les stéréotypes féminins dans ses dessins et collages."
Maintenant, c'est à vous de voir.

 

BD13 :  Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
KS : 
Actuellement je suis en train de développer un projet sur le dessin comme outil d'émancipation. Ce projet inclus une production de nouveaux dessins et pièces, mais aussi des recherches, rencontres et échanges avec d'autres artistes et/ou theoricien.ne.s

Après, vu qu'on sort (peut-être) d'une période assez dure, mes désirs sont assez modeste : À une époque où les institutions d’art sont en danger, une époque de grande précarité pour les artistes et les travailleur·ses de l’art et de la culture, mon plus grand projet est tout simplement de pouvoir continuer à travailler.
 

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